Ils quittent leur bureau après un briefing sur les points du jour à traiter. Vestes estampillées « médiateurs » sur le dos, Mansour et Benjamin ont à peine marché quelques mètres sur l’avenue Jaurès qu’ils sont déjà interpellés par des habitants. A force de marauder au quotidien dans le secteur De Gaulle/Pépinière – classés en Quartier Prioritaire de la Politique de la Ville – ils connaissent les prénoms et problématiques de chacun par cœur. Avec une facilité déconcertante, le binôme est capable de resituer précisément chaque situation, chaque contexte, chaque visage. La prise de contact est toujours bienveillante, sympathique. Une boutade, une blague bienvenue, de la légèreté, pour ensuite, habilement, évoquer les sujets plus lourds.
Maintenir le lien social
Quatre ans que Benjamin et Mansour maraudent en duo à la Pépinière, en priorité, et dans d’autres quartiers de la ville. Leur job ? Créer et maintenir le lien social, en vue de désamorcer certaines situations compliquées. Ils incarnent cette main tendue, ce « aller vers », à la rencontre de personnes qui seraient peut-être restées esseulées sans leur intervention. Ni policiers, ni justiciers, les médiateurs sont des êtres humains, dans tout ce que le terme comporte de noblesse. Ils sont confrontés chaque jour à l’humanité, dans ce qu’elle a de beau, de laid ; dans ses joies, ses peines ; ses espoirs, ses désillusions. Benjamin et Mansour n’ont pas de baguette magique. Ils sont simplement armés d’amour, de bienveillance, d’indulgence, de respect, de patience. L’intelligence du cœur.
Premiers maillons de la chaîne
Relais incontournable entre les habitants les plus isolés et les différents interlocuteurs susceptibles de leur venir en aide, le duo joue un rôle pivot essentiel, en première ligne, sur le terrain. CCAS, Police, Parquet, Mairie, conciliateur de Justice, bailleur social… Le binôme oriente les habitants vers les partenaires clés, avec lesquels un point est effectué tous les mois, pour suivre les dossiers en cours. Les médiateurs sont les yeux et les oreilles du quartier. Charge à eux de détecter les problématiques diverses et variées et d’en informer les autorités compétentes. Chaque jour, ils rédigent un bilan de leurs interventions. Chaque jour est une nouvelle aventure, dans un quotidien qui évolue de façon imprévisible, au fil des rencontres. S’adapter aux situations, en étant toujours accessibles ; apporter les bonnes réponses ; être là aux bons endroits, aux bons moments…
Complémentarité à toutes épreuves
Benjamin est le discret pragmatique, quand Mansour est le loquace empathique. Le duo fonctionne à merveille, car les deux hommes sont complices et complémentaires. Une entente essentielle pour réussir à faire face à des situations parfois très difficiles à appréhender. Harcèlement scolaire, violences conjugales, précarité, tentative de suicide, alcoolisme, maltraitance, conflits de voisinage… Si les poignées de main s’enchainent, les « bonjour » fusent et les sourires sont collés sur leurs mines avenantes, le quotidien des médiateurs n’est pourtant pas une promenade de santé. Il faut parvenir à prendre le recul nécessaire, mais pas toujours évident, pour rentrer à la maison le soir, en laissant les drames humains sur le palier de la porte. Un métier d’autant plus difficile que Mansour et Benjamin assurent aussi des maraudes les samedis et dimanches, toujours en extérieur, par tous les temps, jusqu’à 20h en hiver et 21h/22h à la belle saison.
Une présence appréciée de tou.te.s
En dépit des contraintes, cette fibre sociale est chevillée au corps du duo qui aime profondément son métier. A De Gaulle/Pépinière, tout le monde connaît Mansour et Benjamin. De l’écolier du Roleur à la mamie qui promène son chien. De l’ouvrier qui rentre du travail au collégien qui quitte Lavoisier. Tous viennent les saluer, avec un plaisir non dissimulé. Côte de popularité au maximum. Parce qu’ils ne jugent pas, parce qu’ils respectent chaque être humain dans son intégrité, Benjamin et Mansour ont gagné la confiance du quartier. Ils ont tissé des liens, attribué des surnoms mignons, créé une complicité forte et durable. Grands frères pour les uns, fistons adorés pour les autres. Ils sont là, et pour les gens du quartier, c’est tout ce qui compte.
Collaboration étroite avec le bailleur
En collaboration étroite avec les agents de la SIGH – le bailleur propriétaire des immeubles du quartier – Mansour et Benjamin ne manquent pas l’occasion de les saluer et d’échanger avec eux sur des réalités parfois usantes : les dépôts de déchets sauvages aux pieds des colonnes enterrées, les déjections dans les halls d’entrées d’immeubles, l’irrespect de certains locataires… Des situations pour lesquelles le duo n’a pas toujours la solution miracle, mais toujours l’oreille attentive et la parole qui remonte le moral, quand la détresse a pris le dessus.
Quelques secondes de bonheur
La présence apaisante et rassurante de Benjamin ; le sourire et la joie communicative de Mansour sont comme des étincelles dans des quotidiens parfois moroses. Derrière leurs fenêtres, bon nombre d’habitants s’empressent d’ouvrir lorsqu’ils les voient passer. Histoire de dire bonjour, faire un signe de la main, prendre des nouvelles, ne serait-ce que 10 secondes. 10 secondes de bonheur, c’est toujours ça de pris.