A revoir les machines tourner à plein régime, à revoir les salariés s’affairer d’un bout à l’autre de l’usine, à revoir un carnet de commandes rempli… On a le sentiment que quelque chose est en train de renaître de ses cendres. Vallourec avait été amputé de sa tuberie en 2022, cinq ans après la revente de son aciérie historique (ouverte en 1975). Aujourd’hui, cette dernière semble reprendre des couleurs depuis son rachat par l’Allemand Saarstahl.
La lumière au bout du tunnel
Cette bouffée d’oxygène intervient comme par miracle, après bientôt dix ans d’agonie industrielle, depuis l’annonce par la direction de Vallourec de la suppression de 900 postes en France, en 2015 et la vente de son aciérie. S’en sont suivies des phases de plans sociaux et de rachats successifs malheureux : Ascométal en 2016 (dont la fusion avec Vallourec avait donné naissance à Ascoval), Altifort en 2018, British Steel en 2019, Liberty Steel en 2020… Et enfin Saarstahl en 2021 ! Pour la première fois depuis 2015, cette énième reprise semble être pérenne et se veut rassurante.
Transition salvatrice
C’est donc en août 2021 que le sidérurgiste allemand place ses billes dans l’usine nordiste, lessivée par des années de montagnes russes. Faut-il encore y croire, après tant de désillusions ? Contre toute attente, l’industriel d’outre-Rhin fait ses preuves. Celle qui s’appelle désormais « Saarstahl Ascoval » (intégrée au groupe SHS) est sur de bons rails. Le fruit d’une stratégie de reconversion industrielle qui s’est avérée payante, voire salvatrice : l’usine ne produit plus des tubes sans soudure pour l’industrie pétrolière. Elle s’est adaptée à un marché d’avenir, tourné vers le rail et fabrique désormais des billettes (forme carrée) et des blooms (barres rectangulaires), laminées sur le site mosellan à Hayange, que Saarstahl a repris également.
Coulée continue
85% de l’acier qui sort de l’usine saint-saulvienne est désormais destiné à l’industrie du rail, dont le principal client est la SNCF. A raison d’une coulée d’acier par heure, l’usine est aujourd’hui capable de produire 1 800 tonnes d’acier par jour, en moyenne. De la ferraille en provenance d’un rayon de 300 km à la ronde, avalée par le four de 5, 90m de diamètre. Les visiteurs sont toujours estomaqués lorsqu’ils se retrouvent face à la bête en fusion… Un spectacle qui ne cesse de fasciner les salariés eux-mêmes, au nombre de 330 aujourd’hui. Ces derniers travaillent désormais par groupes de cinq équipes, pour permettre à l’usine de tourner en continu.
De mieux en mieux
Les rails usagés de la SNCF se retrouvent aussi dans l’estomac du monstre, qui libère du metal qui doit ensuite être mélangé à d’autres substances, afin d’obtenir la composition parfaite voulue par les clients. Depuis la reprise de l’aciérie par Saarstahl, il y a deux ans et demi, le tonnage produit à l’année ne cesse d’augmenter : 338 000 tonnes en 2022, 352 000 tonnes en 2023. Cap vers les 400 000 tonnes en 2024, pour arriver, à termes, à un objectif de 600 000 tonnes en cadence maximale. Des chiffres d’autant plus encourageants que le contexte inflationniste du coût de l’énergie aurait pu causer de sérieuses turbulences pour Saarstahl. Si ce contexte défavorable a forcément eu un impact sur la compétitivité de l’aciérie consommatrice en énergie, il n’a pas perturbé les ambitions du groupe, dont la vision industrielle vise à garantir la pérennité du site.
Bas carbone
Pour ce faire, Saarstahl s’est dotée d’une certification obtenue en septembre 2023, qui lui permet de devenir un sous-traitant automobile, afin de produire et livrer des pièces mécaniques. Une corde de plus à son arc et une façon de prouver qu’il est possible de s’adapter à un marché fluctuant, en investissant pour l’avenir. Autre point fort de Saarstahl : son envie et sa capacité à produire du rail bas carbone, matériau incontournable de l’industrie ferroviaire, à plus ou moins court terme. Grâce au four électrique, déjà plus d’un million de tonnes de CO2 ont été économisés. Le groupe vise d’ailleurs la neutralité carbone d’ici 2050.
Un groupe européen qui rachète une usine française, pour fondre et transformer de l’acier recyclé, afin de le vendre en grande partie au marché français et européen, pour la mobilité douce. Que pouvait-on rêver de mieux ?