Le quartier de la Pépinière a ses visages. Celui de Madjid en fait partie. Sa fine silhouette arpente les lieux depuis 13 ans. La maison de quartier s’ouvre sur son bureau, juste en face, toujours ouvert sur ses cheveux hirsutes devenus blancs. De sa voix douce, Madjid s’enquiert de vos nouvelles, discute le monde. Discret, il ne joue pas au directeur. Pas son genre. Il sait qu’il n’est rien sans la dynamique collective des salarié.e.s et bénévoles qui l’entourent.
Promesse tenue
Directeur du centre social de la Chasse Royale, à Valenciennes, pendant 19 ans ; la même chose au faubourg de Lille pendant 6 ans, Madjid a été reçu par Cécile Gallez en 2012, à Saint-Saulve. « Elle m’a demandée si je resterais jusqu’à ma retraite. Promesse tenue », indique celui qui laisse la maison de quartier à d’autres mains, en ce mois d’octobre, à 65 ans ; riche de tous les sourires rencontrés sur son chemin. « A Saint-Saulve, toutes les conditions étaient réunies pour que nous puissions bien travailler. »
Presque par hasard
En plus de quarante ans d’action sociale, Madjid a vu évoluer les publics et la société. « Au départ, nous accompagnions beaucoup les jeunes. Avec le temps et l’émergence des smartphones, ils se sont émancipés et n’ont plus eu tellement besoin de nous. En revanche, nous avons accompagné de plus en plus de seniors et de familles. » Titulaire d’un bon diplôme en gestion comptable, Madjid a pu mettre à profit ses compétences dans la gestion de structures sociales, où il est arrivé un peu « par hasard ». « J’avais le Bafa, j’ai fait les colos et de fil en aiguille… ».
L’instant présent
Au cœur des quartiers, entouré, Madjid a développé son versant pile. Côté face, l’homme est un solitaire, porté par l’instant présent, comme le lui a enseigné sa culture musulmane qui cultive ce trésor de l’existence. C’est pourquoi, chez lui, rien n’est prémédité. Aucun plan sur la comète pour combler le temps qui sera laissé par son métier. Le temps de prendre le temps, peut-être ? Et de la hauteur, aussi : Kilimanjaro, Anapurnas, Atlas… Madjid ne gravit pas les sommets pour le dépassement de soi, encore moins pour la performance, tant plébiscités aujourd’hui. Seulement pour son bon plaisir.
Enfance algérienne
Haut perché, à 7 000 mètres d’altitude, il peut contempler l’infinie puissance du silence et de la nature. « J’ai grandi en Algérie, dans une ferme où l’on a vécu en communauté avec ma famille, sur une terre nue, vierge à des kms à la ronde. Il nous fallait faire 5 kms pour aller chercher de l’eau. Et j’avais quatre ans lorsque ma mère glissait une tartine dans mon sac, m’envoyant, en journée, faire paître les moutons avec mes cousins. » Une enfance romanesque qui a forgé un certain idéal de vivre. Bonne route sur les sentiers escarpés, Madjid. Et merci.