Françoise Gosset : de l’or au bout des doigts

Il n’est jamais trop tard pour recevoir les honneurs que l’on mérite.  La première semaine de décembre, à l’occasion de l’exposition « Nos seniors ont du talent », les visiteurs pourront s’émerveiller devant les dessins de mode réalisés par Françoise Gosset, il y a… 70 ans.
A partir de l’un d’entre eux, Chantal Ollivier, couturière de métier, va confectionner une robe qui sera également exposée. Il n’est jamais trop tard, non plus, pour réaliser ses rêves. Celui de Françoise était de devenir styliste pour une grande maison de mode. Mais dans les années 50, une femme ne fait pas forcément ce qu’elle veut.

Un don

Un jour, la directrice de l’école où Françoise est scolarisée, à Saultain, interpelle ses parents : leur fille a un don pour le dessin. Ici, au village, elle perd son temps ; il faut qu’elle aille étudier à Valenciennes. Le couperet tombe. Et c’est un non paternel catégorique. Première déception pour la jeune fille appliquée et passionnée. Au fil des pages qu’elle dessine, les petites notes en rouge sont unanimes : « 19/20, première ».

Un rêve brisé

Les classes élémentaires terminées, Françoise intègre le CAP couture, à Anzin. Si elle peut enfin dessiner à sa guise et laisser libre cours à son imagination, cette formation lui apprend à devenir une couturière hors-pair, mais le rêve de la haute-couture s’arrête là. « J’aurais dû étudier à La Sagesse, à Valenciennes, mais une dame chez qui ma mère travaillait lui a déconseillé ce choix, indiquant que les garçons y attendaient les filles à la sortie… Elle a mis fin à mes rêves… », soupire calmement Françoise, la mélancolie plein les yeux.

Et puis… la vie

Passées les études, Françoise devient vendeuse et couturière retouches dans une boutique de prêt-à-porter, avenue du Sénateur Girard, à Valenciennes. Ensuite ? Le mariage, la vie de famille, les cinq enfants, un travail auprès de son époux dans les assurances. La couture ? Pour rhabiller les enfants, en liberty, acheté chez « mademoiselle », dans une boutique de tissu de la rue Saint-Géry, merveilleuse, avec ses teintures, son fouillis et sa grande échelle pour aller d’une étole à l’autre. Le dessin, lui, est alors bien loin, mais toujours ancré puissamment dans sa mémoire. Elle y retournera, quand les enfants auront grandi…

Du style

Précieusement conservés dans des sacoches d’époque en cuir noir, les dessins de Françoise n’ont pas subi les affres du temps. Tels des reliques sous écrin, ils ont conservé leurs couleurs. Le papier a à peine jauni. Il y a toutes ces femmes à taille mannequin, vêtues de robes cintrées d’une extrême élégance. Indémodables. Des robes du soir aux motifs floraux, des robes de mariées délicates, quelques pantalons émergeants, des tailleurs à la coupe parfaite. Des créations à mi-chemin entre le faste d’une cour de Vienne et le chic absolu d’Audrey Hepburn.

Artiste complète

Françoise a aussi dessiné de nombreux portraits de famille, Armand Mestral, son premier amour, des Saintes-Vierges, quelques femmes célèbres comme la reine Astrid ou mère Térésa. Elle a peint des tableaux dans le style Monet, Van Gogh ou Renoir. Elle n’en a conservé que très peu ; tout a été donné à ses proches. Aujourd’hui, ses doigts endoloris par l’arthrose ne peuvent plus dessiner. Il ne reste à la jolie Françoise, 86 ans et coquette, que les souvenirs et la nostalgie qu’ils promènent. Les murs de sa maison sont tapissés de tableaux. L’art est partout autour d’elle, mais surtout à l’intérieur.